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28/03/24

Index de l'article

La tourelle démontable STG modèles 1935/1937

pour mitrailleuse 8 mm

  

A côté des divers équipements de récupération – guérites de tous types, cloches observatoires, tourelles de char, boucliers de tranchée, etc… – destinés à "meubler" les intervalles de la Ligne Maginot et dont il est largement question ici même dans l'article " La Ligne Maginot des intervalles ", un engin nettement plus intéressant émerge du lot : la tourelle STG par éléments dite aussi tourelle démontable ou tourelle Dufieux. C'est en effet le seul engin spécialement destiné à la fortification de campagne qui a été étudié et construit dans les années 1930 à cet effet.

Maintes fois confondu avec une tourelle de char – dont il a effectivement l'apparence une fois mis en place sur le terrain – cet engin découle directement des enseignements de la guerre de positions et même, peut-on dire, de la guerre de tranchées !

Conscients de la redoutable efficacité d'une seule mitrailleuse, soigneusement implantée et embusquée, contre un assaut d'infanterie, les hautes sphères militaires mettent à l'étude au début des années 1930 un engin mobile, facilement transportable, rapidement installé, destiné à abriter une mitrailleuse sous une protection blindée et doté de divers perfectionnements.

Inspirées de la tourelle mobile allemande Gruson-Schumann pour un canon de 53 mm Krupp, réalisée dès 1889 et destinée à équiper les parapets des Festen[1], ces études aboutissent à la fabrication de la tourelle démontable modèle 1935 et de son modèle 1937 légèrement amélioré.

Prévue pour recevoir la mitrailleuse Hotchkiss Mle 1914 de 8 mm, la tourelle démontable devait être adaptable, ultérieurement, pour recevoir aussi le canon antichar de 25 mm SA Mle 1934 Hotchkiss, dérivé du type de l'infanterie. Un modèle de tourelle renforcée, à l'épreuve de coups de 47 mm, était également à l'étude.

Plusieurs centaines d'exemplaires de cette tourelle sont fabriqués entre 1935 et 1939. A la date de mai 1939, au moins 485 exemplaires étaient construits mais, si on se réfère au numéro de fabrication (jusqu'à 495 pour le modèle 1935, à partir de 496 pour le modèle 1937), plus de 600 exemplaires auraient été construits. Certaines tourelles retrouvées dans les Alpes sont en effet numérotées de 596 à 624.

Stockées généralement jusqu'à la mobilisation dans les parcs mobiles de fortification, ces tourelles ont garni tous les fronts en 1939-1940, de la mer du Nord à la Méditerranée y compris ceux du Rhin et du Jura. Quelques-unes ont combattu, en particulier dans le Nord, les Ardennes et surtout au cours des combats des 14-15 juin 1940 dans la Trouée de la Sarre.

 La grande majorité d'entre elles ont ensuite disparu durant l'occupation allemande du fait des grands besoins en métal du Reich. Sur le front des Alpes, les Italiens ne semblent pas avoir eu les mêmes préoccupations puisque la plupart des tourelles étaient encore en place longtemps après la fin de la guerre. De plus en plus rares aujourd'hui, il en subsiste cependant encore quelques exemplaires in situ, plus ou moins dépouillés, en particulier dans le Jura, en Tarentaise, Maurienne, Ubaye, dans les Alpes Maritimes. Par contre, des exemplaires plus complets demeurent dans les musées Maginot du Nord-Est tels que ceux de Fermont, du Hackenberg, de Rohrbach, du Simserhof, de Hatten (Esch) et d'Uffheim.

Descriptif
(les numéros dans le texte se retrouvent sur les différentes planches jointes)

La tourelle comprend une partie fixe et une partie mobile.

- La partie fixe se compose principalement

  • d'un cuvelage en tôle ordinaire (87),
  • d'une couronne intermédiaire en tôle d'acier dur (71),
  • d'une couronne supérieure en acier moulé de blindage (51),
  • d'une porte en tôle d'acier dur (66).

Les trois éléments 87-71-51 sont superposés et assemblés par des boulons articulés autour de leur extrémité inférieure (59). Une ouverture pratiquée dans les couronnes 71 et 51 donne accès à l'intérieur de la tourelle. Cette ouverture peut être fermée par la porte 66 qui se verrouille de l'intérieur. Celle-ci est munie d'un créneau avec volet (60) permettant de tirer au révolver dans le boyau ou le couloir d'accès. Sur la face interne de cette porte sont fixées diverses clés nécessaires pour le montage et le démontage de la tourelle.

Le champ supérieur de la pièce 51 forme chemin de roulement (48) pour la partie mobile. La gorge concentrique du chemin de roulement est percée de trous permettant l'entraînement de la partie mobile.

Sur le modèle 1937, une circulaire graduée fixée sur la partie supérieure de la pièce 51 permet le repérage en direction. A l'intérieur de la couronne supérieure fixe 51 sont disposés des trous borgnes filetés permettant d'y fixer les cames ajustables (62) pour le tir de nuit.

- La partie mobile comprend

  • une couronne inférieure (37),
  • une couronne intermédiaire (23),
  • une calotte (7),
  • un capot d'accès (5)
  • une nacelle (92) suspendue à la couronne 37.

La couronne inférieure 37 est en acier moulé de blindage, épais de 35 mm. Elle a un diamètre de 1,30 mètre et une hauteur de 0,22 mètre. Elle repose sur le chemin de roulement de la couronne fixe 51 par l'intermédiaire des 5 galets porteurs (93) et du galet moteur (46). Ces galets sont montés sur roulement à aiguilles avec ressorts amortisseurs.

Le galet moteur 46 est muni de tétons s'engrenant dans les trous percés dans la gorge concentrique du chemin de roulement. Il est actionné au moyen d'une manivelle (35) pour permettre de faire tourner la partie mobile de la tourelle. Cette manivelle comporte un dispositif de débrayage.

La partie mobile de la tourelle peut être immobilisée en serrant le frein (28-47-55).

La couronne intermédiaire 23 est en acier moulé de blindage, épais de 25 mm. Elle a un diamètre de 1,20 mètre et une hauteur de 0,15 mètre. Entre les deux couronnes 37 et 23 sont ménagées

  • des fentes d'observation (94) munies de volets (29),
  • une ouverture circulaire destinée à recevoir la rotule (10) du carter logeant le tube de l'arme,
  • une fenêtre (101) destinée au passage de la lunette du canon de 25. Quand la tourelle est équipée d'une mitrailleuse Hotchkiss, cette ouverture est obturée au moyen d'un tampon obturateur (102).

La calotte 7 est munie de deux trous destinés à recevoir un périscope (22) modèle 1930 de grossissement 6 ou un périscope spécial K de grossissement 4 sur la tourelle modèle 1937. Seul l'emplacement de droite sera en principe utilisé, l'emplacement de gauche étant obturé par un bouchon à écrou fileté (cet emplacement n'est utilisé que dans le cas où la mitrailleuse est remplacée par le canon de 25).

Ces trois éléments blindés 37-23-7 sont assemblés au moyens de six tendeurs en double T (21) articulés autour de leur extrémité inférieure.

Le capot d'accès 5 possède deux tourillons (3) et peut prendre diverses inclinaisons sous l'action d'une vis (2).

La nacelle en tôle 92 est suspendue à la couronne 37 par trois tirants (63). Dans le modèle 1937, le tirant avant droit est muni d'un index qui se déplace devant la circulaire graduée de la pièce 51 pour le repérage en direction. La nacelle porte un chemin de roulement (84) sur lequel se déplace une couronne mobile (83) destinée à l'accrochage des bandes chargeur rigides (81) pour mitrailleuse Hotchkiss.

Le fond de la nacelle est formé de deux plaques (88-90) semi-circulaires amovibles pour permettre éventuellement l'accès par le fond du cuvelage.

Coupe verticale de la tourelle modèle 1935.

Coupe horizontale de la tourelle modèle 1935.


Les accessoires, nombreux, comprennent :

  • le siège avant du tireur (65),
  • le siège du chargeur (95),
  • le carter support de la mitrailleuse (19) muni de son bouclier (8),
  • le mécanisme de pointage (32 à 54),
  • les cames de tir de nuit (62), en deux éléments,
  • la fourche à galet (33),
  • la gaine du périscope (14),
  • le périscope (22),
  • les quatre volets de fente de visée (29), avec viseur en verre Triplex,
  • le support intermédiaire de bandes (103),
  • le support de camouflage,
  • le bouclier (102bis) du tampon obturateur de la fenêtre de visée du canon,
  • le collecteur d'étuis (douilles),
  • les deux sacs en toile de réception des étuis,
  • la lampe à magnéto,
  • la boîte à outils,

ainsi qu'une 2e mitrailleuse, de réserve.

Le mécanisme de pointage est un ensemble complexe, assez élaboré, qui comporte en particulier une fourche à galet, d'une part articulée sur le carter de l'arme, d'autre part reposant sur les têtes du corps à cames. Ce corps de cames est constitué d'un grand nombre de tiges coulissantes réglables en hauteur en fonction du profil du terrain à battre, permettant ainsi le tir de nuit ou par mauvaise visibilité.

La hauteur totale de la tourelle, de la base du cuvelage au capot d'accès, est d'environ deux mètres et son diamètre de 1,20 à 1,30 mètre selon les éléments.

Détails du mécanisme de pointage.

Coupe d'une fente de visée et de son volet à viseur.

Coupe verticale de la gaine du périscope.

Implantation

La tourelle démontable 35/37 est utilisée soit pour compléter la défense des intervalles de la fortification permanente, soit pour constituer l'armature d'une position de campagne fortifiée.

Les tourelles sont normalement entreposées soit dans un parc mobile de fortification, soit dans un parc régional du génie, sans armes ni munitions. Au moment voulu, elles sont mises à la disposition d'unités d'infanterie, en particulier les compagnies de mitrailleurs des troupes de forteresse. Celles-ci en assureront le transport et l'installation, et les garniront des armes et munitions nécessaires.

Exemples de deux types d'emplacement préparé d'avance. L'un est un blockhaus avec abri et puits de la tourelle, l'autre un petit ouvrage avec deux galeries d'accès, sans abri mais les galeries pouvant servir d'abri. Le 1er type se retrouve encore fréquemment (par exemple à Oltingue, Secteur fortifé d'Altkirch). Le second est un modèle unique et était implanté sur les hauteurs de Sierentz (S.f. Altkirch). Il n'existe plus aujourd'hui.

Toutes les fois que cela sera possible, un ou plusieurs emplacements seront reconnus d'avance. Dans le cas où certains de ces emplacements seraient préparés au préalable, toutes dispositions doivent être prises de manière à empêcher de façon absolue leur repérage, par exemple en les recouvrant de terre et de cultures. Les emplacements pourront être réalisés en terrassement ou en béton. Dans les deux cas, le calage de la tourelle, au moment de l'installation, sera réalisé soigneusement par remplissage de l'espace annulaire subsistant entre la fosse et la tourelle. En aucun cas le matériel ne doit être scellé dans le béton.

La tourelle doit être encastrée dans le sol afin de réduire son relief et sa vulnérabilité, seule la partie en acier de blindage émergeant du sol. En raison de ses formes fuyantes, elle ne pourra être atteinte par les projectiles des armes à tir tendu que sous des incidences assez faibles. Ces deux conditions lui confèrent une protection suffisante contre les tirs des armes à tir tendu de petit calibre (mitrailleuse lourde, canon d'infanterie de 37 mm, canon antichar de 25 mm) et contre les projectiles d'artillerie légère explosant à proximité immédiate de la tourelle.

L'implantation de la tourelle peut se faire soit dans une fosse cylindrique sommairement aménagée, soit dans un emplacement en béton coulé spécialement.

  • Fosse :

Ce type de mise en place exige l'établissement préalable d'une fosse et d'un boyau d'accès. La fosse aura un diamètre de 1,50 à 1,60 mètre et sa profondeur variera suivant l'émergence plus ou moins grande que l'on voudra donner à la tourelle d'après la configuration du terrain. En principe cette profondeur sera au moins d'un mètre et le fond de la fosse sera parfaitement horizontal pour éviter le déversement de la tourelle.

Les déblais seront étalés sur une largeur de 1,50 à 2 mètres autour de la tourelle afin qu'on puisse les dissimuler complètement au moyen du camouflage. Le boyau d'accès aura 0,80 mètre de largeur environ, 2 à 3 mètres de longueur et 0,80 mètre de profondeur au moins. Il sera camouflé au moyen de filet. L'exécution du terrassement exige comme personnel un gradé et quatre hommes, comme outillage deux pelles et deux pioches.

  • Emplacement en béton :

Bien qu'un plan-type standardisé ait été préconisé par la STG [2] on trouve encore aujourd'hui sur le terrain une grande variété d'emplacements bétonnés pour tourelle démontable, depuis le simple puits bétonné jusqu'au petit ouvrage avec galeries enterrées ou au blockhaus avec abri et chambre de repos.

Dans la Trouée de la Sarre, un gros abri bétonné de construction M.O.M.[3] était même surmonté de deux tourelles[4]. De plus gros ouvrages encore, tels que les casemates STG d'artillerie à deux pièces de 75 Mle 1897 de la Région fortifiée de Metz[5], étaient initialement prévus pour recevoir une tourelle 35/37, finalement remplacée par une cloche GFM.

Le seul élément constant, sur ces divers types d'emplacements, reste le diamètre du puits de logement de la tourelle, toujours égal à 1,30 mètre. Cependant, sa profondeur est variable : de 1 à 3 mètres, en particulier lorsque l'accès à la tourelle se fait par le fond du cuvelage.

Montage

La manutention des éléments de la tourelle exige

  • comme personnel : un gradé et 8 hommes, le gradé étant à la fois chef de tourelle et tireur, l'un des hommes étant le chargeur.
  • comme matériel : les engins de manœuvre et l'outillage faisant partie intégrante des tourelles à l'exclusion de tout autre matériel.

Les opérations de montage s'effectuent dans l'ordre suivant :

  1. descente du cuvelage au fond de la fosse ou du puits,
  2. descente de la nacelle au fond du cuvelage,
  3. pose de la couronne fixe intermédiaire 71 sur le cuvelage,
  4. pose de la couronne fixe supérieure 51 sur la couronne intermédiaire,
  5. pose de la couronne mobile inférieure 37 sur la couronne 51,
  6. solidarisation de la nacelle et de la couronne mobile inférieure 37,
  7. pose du carter de l'arme, rotule dans son logement,
  8. pose de la couronne mobile intermédiaire 23 sur la couronne 37,
  9. pose de la calotte 7 sur la couronne 23,
  10. pose du capot 5,
  11. solidarisation des couronnes 37, 23 et de la calotte 7,
  12. mise en place du mécanisme de pointage,
  13. mise en place de la mitrailleuse dans le carter,
  14. pose du collecteur d'étuis,
  15. mise en place du sac à étuis sur le collecteur,
  16. mise en place d'une 2e mitrailleuse à son emplacement de réserve,
  17. mise en place du siège règlable du tireur (tourelle Mle 1935),
  18. mise en place de la rotule de la gaine du périscope,
  19. mise en place du périscope,
  20. mise en place des cames pour le tir automatique,
  21. serrage des écrous et vis d'assemblage,
  22. pose des accessoires.

Les opérations de démontage s'effectuent bien entendu dans l'ordre inverse. Le poids des éléments les plus lourds variant de 150 à 280 kg, l'équipe de 8 hommes et un gradé suffira largement pour toutes les manutentions.

Camouflage

Le camouflage de la tourelle a une grande importance afin d'éviter qu'elle ne soit prise à partie prématurément par l'artillerie ennemie et afin de réserver l'effet de surprise que son entrée en action produira lors d'une attaque ennemie. Toutes précautions doivent être prises de manière à dissimuler d'une façon absolue à l'ennemi les reconnaissances préliminaires, les travaux de terrassement ou de bétonnage, les diverses manœuvres nécessitées pour le transport, le montage et les ravitaillements ultérieurs. 

Le matériel de camouflage comporte :

  • un support grillagé de camouflage de 4 mètres de diamètre qui se place sur la partie tournante et pivote donc avec elle. Ce support comporte une armature en fer et un grillage destiné à recevoir des touffes de plantes ou tout autre matériel convenable,
  • un grand filet de 6 mètres de côté environ, avec une ouverture centrale de 2 mètres de diamètre environ, destiné à dissimuler les déblais rapportés autour de la tourelle (ou deux filets de 6 x 2 m et deux de 2 x 2 m),
  • un petit élément de filet pour la couverture du boyau. Ces filets seront recouverts d'herbes ou de plantes prises dans les environs pour mieux les adapter au terrain.

La notice d'utilisation de 1939 recommande en outre de barbouiller de boue toutes les parties métalliques pour éviter les reflets et de masquer les ombres portées éventuelles par des éléments de filets ou des branchages. Les opérations qui ne pourraient échapper aux vues de l'ennemi, observateurs ou avions, doivent être faites de nuit.

Lorque les tourelles sont installées dès le temps de paix, des précautions spéciales devront être prises pour assurer la protection du matériel contre les sabotages et leur repérage au moment de l'utilisation. Dans ce but, des abris démontables fermés et surveillés pourront être installés au-dessus des tourelles en prenant des précautions pour que, lors de l'enlèvement des abris, au moment du besoin, la végétation naturelle avoisinante puisse être rétablie aisément. De faux abris pourront également être installés [6].

Vue en élévation et en plan de la tourelle munie de son support grillagé de camouflage.

Mise en œuvre

Comme on l'a vu, la tourelle est prévue pour être occupée par deux hommes, le tireur et le chargeur. Le tireur se place sur le siège dont il règle la hauteur à sa convenance et peut poser les pieds sur le repose-pieds 73. Il peut effectuer soit un tir direct ou repéré, soit un tir sur cames.

Le chargeur se place debout à gauche du tireur et près du couloir d'alimentation. Il a aussi pour mission de vider à l'extérieur par la porte arrière le sac à étuis aussitôt que celui-ci a été remplacé par un sac vide. Le siège rabattable 95 permet au chargeur de se reposer.

Comme il n'existe aucun système de ventilation à l'intérieur de la tourelle, autre que la ventilation naturelle par le carter, porte et capot (!) ouverts, il est vraisemblable que, dès que les tirs deviennent prolongés, les deux hommes soient obligés de porter leur masque à gaz. La notice d'utilisation de 1939 est muette à ce sujet.

Le pointage en hauteur permet de donner au carter de l'arme une inclinaison moyenne de -16° à +18°. Avec les divers types de calottes, le champ de tir vertical négatif est limité pratiquement aux angles ci-dessous :

  • calotte haute                     -19° 30
  • calotte moyenne                -16° 30
  • calotte basse                     -13°.

Le pointage horizontal s'effectue par rotation de la tourelle sur 360°. En raison des faibles dimensions des fenêtres de visée de la rotule et du bouclier, la recherche directe des objectifs de la mitrailleuse se fera au moyen du périscope.

Les servants, pour avoir l'aisance de leurs mouvements, ne doivent conserver que le pistolet automatique, le masque et le casque. Il faut donc entreposer dans de petites niches creusées dans les parois du boyau ou ménagées dans l'emplacement bétonné

  • les munitions (caisses à munitions pour bandes rigides),
  • les vivres (vivres de réserve pour les servants, éventuellement dépôt d'eau),
  • le matériel : l'équipement des servants et les barres pour le transport de la tourelle sont placés dans le fond du boyau ou dans l'abri.

Comparatif des deux modèles

 

Nature des éléments ou mécanisme Tourelle Mle 1935 Tourelle Mle 1937
pointage en hauteur pas de dispositif de repérage un dispositif de repérage
pointage en direction pas de circulaire graduée une circulaire graduée
gaine de périscope reçoit le périscope Mle 1930 peut recevoir le périscope spécial type K
siège du tireur siège à ressort fixé sur le fond de la nacelle siège réglable en hauteur en coulissant sur un tirant
boîte à outils * boite et système de fixation modifié
porte de secours * adjonction d'un système de fermeture de la porte et suppression de l'ouverture du capot à partir de l'intérieur.

 

Accessoires de la tourelle : collecteur d'étuis et lampe à magnéto.

  • Face interne de la porte d'accès et son outillage.
  • Barres de transport et de montage/démontage de la tourelle.

Les tourelles Mles 1935/1937 connues à ce jour

A notre connaissance, sur les 600 et quelques tourelles construites des deux modèles, une cinquantaine d'exemplaires, plus ou moins complets, ont été retrouvés et sont connus à ce jour.

Nord  N° et/ou Emplacement initial
Cysoing (Nord) nos. 358 *, 363
Vieux-Condé (Nord) n° 507
Mairieux (Nord ?) nos. 402, 465
Ohain (Nord ?) n° 586
Montigny (Ardennes) nos. 336, 398
Avioth (Meuse) n° 180
Nord-Est  
Fermont (M-&-M) ?
Havange (Moselle) n° 355
Hackenberg (Moselle) n° 315 Hatten (67)
Maxstadt (Moselle) n° 228
Puttelange (Moselle) n° 173
Rohrbach (Moselle) n° 227Cappel (57)
Simserhof (Moselle) nos. 411, 412, 415 ?
Esch, Hatten (Bas-Rhin) n° 212 Achen (57)
Uffheim (Haut-Rhin) n° 380 Remoray (25)
Verrières-de-Joux (Doubs) n° 374
Pontarlier (Doubs) n° 368
Alpes  
Bourg St-Maurice (Savoie) n° 597
Modane (Savoie) nos. 598, 600, 601
Séez (Savoie) nos. 556, 557, 558, 559, 561, 596
Villarodin-Bourget (Savoie) nos. 598, 600, 601
Molines, Queyras (Htes Alpes) nos. 604, 605
St-Paul-Ubaye (Alpes Hte-Provence) nos. 564, 565
Jausiers (Alpes Hte-Provence) nos. 606, 607
Valdeblore (Alpes Maritimes) nos. 621, 623, 624
Venanson (Alpes Maritimes) n° 622
La Maglia (Alpes Maritimes) 2 tourelles, nos. ?
Sospel (Alpes Maritimes) n° 566.
Divers  
Musée de la Ligne Mareth (Tunisie) n° 409

* Transférée à la casemate Mont des Bruyères (Nord).

Remerciements à Henri Berger, Georges Marescaux et Jean-Louis Nospeld pour leurs contributions respectives.


Restée pendant longtemps l'une des mieux préservées, la tourelle n° 368 (fabrication Firminy) proche du Grand-Taureau et de la frontière suisse, dans la région de Pontarlier (Doubs, ex-Secteur fortifié du Jura), a disparu un beau jour sans laisser de trace… Qui pourra nous en dire plus ?

La tourelle du Grand-Taureau a été installée sur un emplacement préparé d'avance, en l'occurrence un blockhaus avec abri et entrée en escalier portant la date 1939.

La tourelle n° 380 (Firminy) de Remoray-Bougeons (Doubs, S.F. du Jura) a été préservée de justesse et récupérée en 1992 par l'association Mémorial Maginot de Haute-Alsace d'Uffheim où, remise en situation sur un blockhaus reconstitué, elle est visible aujourd'hui. On la voit ici à son emplacement d'origine, préparé d'avance, non loin de la frontière suisse par où l'irruption de l'ennemi n'était, semble-t-il, pas exclue…


La tourelle n° 374 (Firminy) de Granges-Boutiaux, non loin des Verrières-de-Joux, sur la frontière franco-suisse (S.F. du Jura). Préservée par son propriétaire et assez complète, cette tourelle existe toujours telle quelle sur son emplacement d'origine, également préparé d'avance en 1939. Une 4e tourelle existait dans le secteur, dans les parages du fort du Larmont Supérieur.

En 1940 dans le Secteur fortifié de Haguenau, non loin de Hatten (Bas-Rhin nord), la tourelle fraîchement installée du PA 7 derrière laquelle se tient un lieutenant du 23e RIF. On peut remarquer les toiles de camouflage enlevées temporairement pour les besoins de la photo. Un document tout à fait exceptionnel, les photographies de sites militaires étant alors strictement interdites. Cette tourelle est probablement celle qui est au Hackenberg aujourd'hui.

Quelque part dans les Ardennes en 1940, une tourelle est pointée vers la vallée de la Meuse, probablement près de Monthermé (photo extraite du Denkschrift). A noter, la présence du petit périscope de guet.

Octobre 1940, quelques troupiers de la Wehrmacht examinent une tourelle aux alentours de Hunspach (S.F. de Haguenau, Bas-Rhin nord).

L'une des deux tourelles de Cysoing, dans l'ex-Secteur fortifié de Lille, sur son emplacement bétonné comportant un petit boyau d'accès. Elle a miraculeusement conservé sa portière arrière dont on voit bien le petit créneau rond de défense très rapprochée.

Vue d'une tourelle munie de son grillage de camouflage (photo extraite du Denkschrift). Acceptable en lisière de forêt ou en sous-bois, ce type de camouflage était peu crédible en terrain découvert.

La tourelle n° 564 du Châtelet, à St-Paul-sur-Ubaye (Secteur fortifié du Dauphiné), a conservé pendant longtemps son grillage de camouflage garni d'éclats de ciment. C'est l'un des rares équipements de ce type qui aient été retrouvés.

La deuxième tourelle (n° 565) du Châtelet, à St-Paul-sur-Ubaye (S. f. du Dauphiné) contrôle tout le vallon de l'Ubaye en direction de la frontière. Une petite galerie bétonnée permet un accès protégé à la tourelle.

Quelque part dans la région de Rocroi (Secteur défensif des Ardennes) en 1940, une tourelle avec son dispositif de camouflage recouvert d'herbe semble-t-il et… bien peu efficace (photo extraite du Denkschrift).

TD 212 Sur cette tourelle préservée et restaurée par l'AALMA on voit parfaitement, de bas en haut, le cuvelage et la couronne en tôle d'acier qui sont normalement logés dans le sol ou dans le béton, et les quatre éléments supérieurs blindés et peints en camouflé. Remise en situation, elle est visible aujourd'hui sur le site de la casemate Esch à Hatten (Bas-Rhin nord).

TD 212 Gros plan sur les éléments supérieurs de la même tourelle, portière arrière ouverte. On aperçoit, à l'intérieur, la couronne des cames règlables pour le tir prérèglé ainsi que deux des trois tirants qui relient la nacelle en tôle à la couronne inférieure tournante. A remarquer aussi, dans la porte, le petit créneau pour tir au révolver.

TD 212 Sur cette vue de l'intérieur de la tourelle on peut reconnaître, de haut en bas et de gauche à droite :

  • l'un des six tendeurs qui solidarisent les éléments supérieurs,
  • l'affût destiné à supporter la mitrailleuse de 8 mm,
  • l'un des cinq galets porteurs qui permettent la rotation des éléments supérieurs,
  • l'un des trois tirants qui relient la couronne inférieure tournante à la nacelle en tôle,
  • mmédiatement à droite de ce dernier et en partie, l'un des volets de fente de visée,
  • la couronne des cames règlables.

TD 212 Sur cette vue sont visibles, de gauche à droite :

  • l'un des tirants,
  • un volet de fente de visée,
  • le galet moteur (auquel il manque la manivelle),
  • l'un des tendeurs,
  • l'emplacement du frein,
  • un 2e volet de fente de visée,
  • un galet porteur,
  • un autre tirant,
  • en bas, la couronne des cames règlables. 

TD Holving Lors des combats des 14-15 juin 1940 dans la Trouée de la Sarre, ce curieux blockhaus surmonté de deux tourelles un peu trop proéminentes a participé à la résistance de ce qui était alors "l'avancée de Holving" (DR).

La tourelle n° 507 de Vieux-Condé (au nord de Valenciennes, Secteur fortifié de l'Escaut) dans laquelle, le 20 mai 1940, le soldat Jules Beaulieu du I/54e RIF a héroïquement résisté avec sa mitrailleuse contre les tentatives des Allemands pour franchir les ponts sur l'Escaut, avant d'être tué à son poste. On voit parfaitement les quatre impacts de 47 mm antichar qui ont mis fin à l'action de ce héros. La tourelle est restée un mémorial jusqu'à nos jours.

TD Uffheim Initialement installée dans le Secteur fortifié du Jura, non loin de Pontarlier, et aujourd'hui préservée sur le site de la casemate de l'Aschenbach à Uffheim (Haut-Rhin), la tourelle n° 380.

TDX… Une tourelle non identifiée qui semble avoir pris part à des combats. Elle appartenait peut-être à la défense du village fortifié de Villy-la-Ferté (Ardennes).
 


[1] On peut en voir des exemplaires, par exemple au fort de Mutzig (Bas-Rhin), au musée de St-Maurice (Valais, Suisse) et au fort d'Airolo (Tessin, Suisse).

[2] Section technique du Génie.

[3] Main d'œuvre militaire.

[4] Voir Roger Bruge – Juin 1940, le mois maudit. Fayard, 1980 et éditions suivantes, page 91. Ce blockhaus, situé à 500 m au SE de Holving (Moselle), existe toujours.

[5] Secteur fortifié de Boulay : casemates du Bovenberg et d'Ottonville. Secteur fortifié de Faulquemont : casemates du Bambesch, du Stocken et du Camp de Téting.

[6] ….et pourquoi pas aussi, pendant qu'on y est, de fausses tourelles ?!!! (note de l'auteur…).


 

 

 

Combats

 

La mort héroïque du soldat Beaulieu

Des tourelles 35/37 ont combattu pendant la campagne de 1939-1940, que ce soit dans la trouée de la Sarre, dans le Nord ou dans les Alpes. L'exemple le plus édifiant est très certainement celui de la tourelle n° 504 de Vieux-Condé, dans le Nord, et de son servant le soldat Beaulieu.

Le 16 mai 1940 la 7e Panzer de l'armée allemande a franchi la frontière franco-belge à Clairfayts, au sud-est de Maubeuge, et envahi le Nord. Le 19 elle atteint Cambrai. Le commandement français va alors tenter de faire barrage sur l'Escaut entre Cambrai, Valenciennes et la frontière. Dans le nord du secteur on est ici dans le Secteur fortifié de l'Escaut, tenu par le 54e RIF, mais si les ouvrages bétonnés y sont nombreux il s'agit seulement de blockhaus inachevés, souvent sans portes, ni blindages, ni ventilation, peu ou pas armés... La CORF avait bien construit une ligne de casemates plus lourdes dans la forêt de Raismes, entre la frontière et Valenciennes, mais seulement des casemates d'infanterie établies selon un tracé abandonné par la suite. En quelques points sensibles – ponts, carrefours, passages obligés – on a rapidement installé des tourelles démontables 35/37 armées d'une mitrailleuse.

Des mouvements ennemis sont signalés le 20 mai au nord de Valenciennes, à Hergnies et Condé-sur-l'Escaut. Des tirs de l'artillerie française et une contre-attaque retiennent l'ennemi. Depuis le 19 mai, le soldat Jules Beaulieu du 54e RIF est installé au pont du Sarteau, sur un bras de l'Escaut, face à Vieux-Condé, dans une tourelle démontable 35/37. Beaulieu dispose d'une mitrailleuse Hotchkiss de 8 mm modèle 1914. Normalement la tourelle doit être occupée par deux hommes, un tireur et un servant, mais Beaulieu est seul. Cheminot et résidant à Anzin, à côté de Valenciennes, il n'est pas loin de chez lui. Sa mission : ne pas bouger, monter la garde et interdire le passage du pont du Sarteau, pont dynamité mais toujours utilisable par des troupes à pied.

Le matin du dimanche 20 mai, Beaulieu rédige dans la tourelle une lettre à ses parents. Il est conscient que seul face aux Allemands et à leurs blindés il a peu de chances de s'en tirer vivant. Il est cependant résolu à obéir aux ordres et à accomplir sa mission coûte que coûte. En fin de journée un détachement allemand de la 269e ID venant de Vieux-Condé tente de franchir le Sarteau. Dès qu'il les aperçoit, Beaulieu ouvre le feu. Des fantassins allemands tombent, d'autres se dissimulent, cloués sur place. La Hotchkiss crépite sans arrêt, les gaz des tirs envahissent l'étroite tourelle. Beaulieu continue de tirer.

Pendant un long moment les Allemands ne voient pas d'où viennent ces feux meurtriers mais ils finissent par repérer la tourelle malgré son camouflage de grillage recouvert de feuilles et de branchages. La mitrailleuse ne pouvant rien contre lui, un blindé réussit à s'approcher à moins de 100 mètres et à ouvrir le feu à coups de 50 mm. Quatre coups frappent de plein fouet la tourelle. Jules Beaulieu n'a pas bougé, il est mort à son poste. Combien d'hommes les Allemands ont-ils perdu ? Plusieurs dizaines selon certaines relations de ce fait de guerre.

Enterré d'abord à côté de la tourelle (dans laquelle on trouvera la lettre à ses parents), le corps du valeureux soldat Beaulieu a été exhumé et transféré le 24 juin 1940 au cimetière d'Anzin où un détachement allemand lui a rendu les honneurs. Il était l'un des nombreux héros oubliés de la malheureuse campagne de mai-juin 1940.

La tourelle n° 504 de Vieux-Condé est demeurée sur son emplacement de 1940, aménagé au sein d'un square et d'un monument commémoratif. Le site est aujourd'hui quelque peu modifié par rapport à cette photo.

La tourelle présente sur sa face avant quatre impacts de 50 mm dont trois l'ont perforée mettant un terme à l'héroïque résistance du soldat Beaulieu.

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A lire

  • l 1939-1945 dans le Nord de la France et en Belgique. Editions Nord-Eclair, n° 1.
  • l Jean-Paul Visse – Mai 1940. Sang et larmes sur le Nord. Ed. La Voix du Nord, 1990.

Add. : la tourelle n° 504 de Vieux-Condé aurait été construite par l'entreprise Fives-Cail-Babcock, important groupe sidérurgique-métallurgique qui possédait plusieurs unités dans le Nord, notamment à Denain et Lille-Fives.